Des fêtes teintées du sang des animaux

Des animaux victimes de nos désirs insatiables

 

Article n°3

Comment des animaux innocents nourrissent nos désirs insatiables. Réflexion sur le sort réservé aux animaux au cours des fêtes religieuses et de la fête du nouvel an.

 

Rappel bouddhiste entre Lyon et Genève

En empruntant l'autoroute A42 Lyon-Genève, je ne manque jamais d'observer furtivement l'élevage de "canards à foie gras" non loin du Vieux Pérouges, une cité médiévale. Les canards y demeurent le temps de leur courte existence à quelques mètres des quatre voies. En ce mois de décembre 2015, on distingue aisément les panneaux signalant la vente de foie gras en direct. Derrière la bâtisse qui doit servir de lieu d'abattage, j'ai vu une centaine de canards déambuler sur un petit lopin de terre ceinturé de grillage. Côte à côte, les canards, la bâtisse et une tente blanche sous laquelle s'effectuent sans doute les transactions. Présence de la vie et de cette mort monnayée après que les animaux ont eu à subir la douleur d'une alimentation forcée.

 

Après quelques kilomètres, on ne peut manquer le lieu de culte bouddhiste, une pagode de l'école Theravada, semble-t-il. À sa vue, je me remémore les propos du Bouddha sur l'alimentation et la non-violence. Quiconque tue intentionnellement un animal pour nourrir la communauté, dit-il en substance, pensant finalement agir positivement, commet un quadruple méfait : en attirant l’animal, en le tourmentant, en le tuant et en traitant la communauté d’une manière impropre.

 

 

Faits et confusion

Les fêtes religieuses comme les fêtes de fin d'année masquent sous les prières, les cotillons et les élans de fraternité la réalité d'un massacre dont il est de bon ton de taire l'ampleur. D'ici au 31 décembre, il se consommera d'innombrables foies gras, chapons, dindes, veaux, saumons, huîtres... Puis, le 11 septembre 2016, aura lieu lAïd el-adha, appelée aussi Aïd el-kebir, la fête qui commémore la soumission d'Ibrahim à son Dieu. Au nom d'une certaine vision de la tradition, plus de 120 000 moutons seront égorgés sans étourdissement, conformément aux principes du halal. Dans de nombreux abattoirs temporaires, et avant l'égorgement, des moutons seront manipulés comme des sacs, immobilisés de longues minutes sur des grilles placées au-dessus d'un bac empli du sang de leurs congénères égorgés quelques minutes auparavant. Les musulmans ont souvent confondu recommandation et obligation, oubliant la portée d'un sacrifice qui est avant tout celui des désirs égoïstes, des désirs consumés dans la pratique du don aux pauvres et de la miséricorde. La multiplication des points de vente halal et la loi d'un marché juteux ont transformé l'exception en pratique courante.

 

Dans ce domaine, il y aurait aussi beaucoup à dire des pratiques d'abattage casher. La contention mécanisée permet de retourner une vache ou un bœuf et d'utiliser une mentonnière afin de placer la gorge en extension. Une fois égorgée, l'animal a la tête aspergé de son sang. Plusieurs minutes s'écoulent avant qu'il perde conscience. Parfois, il se débat dans le piège puis est libéré pour agoniser sur un sol maculé de sang.  

  

 

Dépasser coutumes et traditions

Dénoncer l'abattage rituel sans étourdissement au nom du bien-être animal s'apparente pour certains à un acte islamophobe ou antisémite. Au vrai, il ne s'agit pas de remettre en cause une pratique religieuse et la religion qui la fonde. Il s'agit au contraire d'examiner l'attitude humaine sous-jacente, celle qui, au nom d'une coutume ou d'une tradition, écarte toute réflexion sur la réalité de la souffrance animale et les conditions barbares de sa mise à mort. Car l'exigence religieuse d'une mort digne ne soustrait aucunement l'animal à la souffrance. Et son agonie lente et consciente renforce le caractère tragique du sort que les croyants lui imposent. Il reste à souhaiter que les pays européens suivent l'exemple du Danemark qui a interdit, par décret et depuis le 17 février 2014, l’abattage rituel, halal et casher.

 

 

Coutumes alimentaires et abattage rituel

Alors que plus de la moitié des français sont favorables à l'interdiction du gavage et qu'un grand nombre s'indigne des conditions d'abattage rituel, la cruauté à l'égard des animaux ne cessera de se nourrir du désir insatiable de l'estomac. Combien de fois ai-je entendu : "Oui, le gavage des oies et des canards, c'est terrible... Mais le fois gras c'est tellement bon!"

 

Il existe me semble-t-il trois points communs essentiels entre la coutume alimentaire et l'abattage rituel. Le plus essentiel demeure la sentence de mort qui pèse sur tous les animaux innocents rendus captifs. Le deuxième est la place prépondérante que nous accordons à notre propre bien-être qu'il soit d'ordre religieux ou séculier. Le troisième réside dans notre capacité à rendre la vie animale inconsistante dans notre esprit. Ainsi la convivialité d'un repas présente des chairs cuisinées, fruit d'une transformation qui éloigne de nos consciences la réalité de la séquestration de l'animal, le poids de sa souffrance et les conditions tragiques de sa mise à mort.

 

 

 

© Alain Grosrey, 20 décembre 2015



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